Littérature générale
Nos silences ne nous protégeront pas
Paule BrajkovicComme écrire une issue. Ne pas cacher les ombres qui font le jour. Avoir envie d’abandonner. Et ne pas le faire. Prendre en plein visage la verticalité de l’éclat. Inventer des traces immenses. Écrire. Parce qu’écrire est réel. Ce qui est arrivé est achevé, le temps l’a façonné, lui a trouvé une forme. Une sorte de fragment du sentiment. Les souvenirs nous prennent, nous éblouissent.
Il n’y a pas plus lucide qu’une mère. Je sais tout. Je sens tout. J’endosse un rôle, une stature. Tenir droite, devenir atèle. Croire. Croire infailliblement. Être la colonne vertébrale de sa convalescence. Tenir bon. Je sais tout. Les mots qui ne sortent pas, mon fils emmuré derrière son silence, la douleur dans ses pleurs au fond de sa chambre, l’effroi chevillé au ventre, le poids de chaque geste impossible, l’angoisse de l’extérieur, l’espace hostile. Je sais tout. Je vois aussi son combat. Chaque jour, chaque minute. Son courage, sa volonté. Pas une plainte, pas un renoncement. Chaque seconde est une bataille minuscule, contre des ennemis microscopiques devenus ogres et titans. Je sais tout ça. Je lui prends la main pour ne pas qu’il tombe. J’ai les yeux bien ouverts mais je ne dirai pas ce que je vois. Je te ferai croire aux dragons, aux licornes et à la magie d’une vie.