Philosophie
Camus pour disposer au christianisme
Jean SarocchiMa stupéfaction jadis à découvrir que la plupart des interprètes de Camus préféraient ignorer ou carrément refuser ce que son œuvre doit à ses «préoccupations chrétiennes » vira à la colère. Il en résulta, voilà une dizaine d’années, un petit essai qui tourna au pamphlet, saillies et railleries. J’y reviens, à la faveur de circonstances que j’expose plus loin, et sans rien renier de mon irritation et de mes assertions je prends le parti de reprendre le vieux texte dans une écriture plus tempérée. [...] Parmi toutes les prépositions qui peuvent approcher la relation qu’entretenait Camus avec la foi chrétienne je n’ai pas ignoré contre ; je n’ai pas retenu pour ; j’ai choisi vers, et c’est un vers d’évidence.
« Les mots clés, les secrets derniers ne sont pas en possession de l’homme ». Ce qu’énonce Camus à propos de Martin du Gard et des personnages de son grand roman Les Thibault vaut pour n’importe quel homme et donc pour l’homme Camus. Proust le disait plus amèrement : « la vie est une chose horrible, puisque personne ne peut comprendre personne ». Et encore : « les secrets sont bien gardés par les êtres, car tous ceux qu’ils approchent sont sourds et aveugles ». Cette surdité, cette cécité, Proust eût-il dénié qu’elles sont d’abord et enfin l’infirmité de toute personne, aucune, sauf sotte prétention, n’accédant à ses propres mots clés, à ses secrets derniers ?