Corbelle
Corbelle
Jean BensimonJe survole Vernery, planant avec aisance sans presque battre l’air de mes grandes ailes noires. Voilà que se dessine une silhouette loin de moi, entre deux traînées de brume. On dirait une femme. N’est-ce pas la corbelle dans sa robe orange déployée autour d’elle comme un soleil ?
Je vais dans sa direction du plus vite que je peux. Enfin, j’arrive à ses côtés et l’enlace. Son sexe est une porte ouvrant sur un monde de chaleur. Nous allons nous unir quand, baissant la tête, j’aperçois tout en bas Fourest, l’ivrogne du Balto, qui émerge d’une nappe de brouillard. Il regarde dans notre direction. Les deux yeux de son fusil me fixent, s’agrandissent démesurément. Je veux m’enfoncer avec la corbelle dans la masse nuageuse pour nous mettre à couvert – vite, ne pas perdre une seconde. À cet instant précis retentit le fracas d’une détonation, coup de tonnerre assourdissant. J’ai une brûlure au ventre et tombe en vrille. Des plumes voltigent, tachées de sang. Je tombe encore, je n’arrête pas de tomber, une masse de froid se referme sur moi. Réveil en sursaut. Malgré les couvertures, je grelotte.