Roman
La Tristesse est un esprit de feu
Manfred ResveurÉcrit en deux semaines d’après un journal tenu de dix-sept à vingt-trois ans, ce texte n’est pas à proprement parler un roman. Il présente une narration suivie et des personnages, mais cette mise en scène est avant tout un prétexte pour introduire dialogues philosophiques et saynètes existentielles. L’histoire comme les personnages, par bien des aspects ne sembleront pas vraisemblables : ils ne sont pas non plus censés l’être. Ce qui arrive à Frédéric, le fol-en-Christ, finit pareillement par arriver à Charles, l’anarchiste, et à Mortimer, l’éternel idiot.
Ah ! le soir, oui : des pensées de fin du monde envahissent le cœur des déshérités. De fin ? non, c’est le contraire : de perpétuation du monde et du temps même, Seigneur, dont l’abolition serait si douce à leurs poitrines lasses, puisqu’il faut supporter l’écoulement sempiternel des heures, des minutes, des secondes à l’horloge et, à chaque nouveau déclic des aiguilles qui tournent en rond, faire avec… la solitude ? Non plus, pas exactement, plutôt une incomplétude qui fait la solitude amère, on souhaiterait un jumeau. Frédéric rêvait, dans le salon de la maison de ses parents, rêvait d’un autre, d’un être en lequel il pût se fondre, de façon que chacun puise en son double irréductible la substance qui ne lui manquera plus, rêvait d’un monde où deux ne fissent qu’un sans pour autant se diluer, deux consciences trop riches de trésors singuliers pour qu’elles viennent à bout de se les faire découvrir.