Roman
La métisse du peuple des épines
Bernard OheixDans l’immensité luisante de la brousse, il n’y avait que le vent de la liberté, celui que mon grand-père, le dernier roi du Peuple des Épines, avait glissé dans mes rêves.
À Madagascar, j’avais en moi une famille aux racines ancrées. Ce roi aux pages de légendes dont la voix me poursuivait, ces parents des deux rives dont j’étais la métisse couleur crème, cette grande fratrie dont j’étais la reine.
Devant moi, des feuillus aux pointes acérées et un chemin à parcourir.
Comment ne pas se sentir différente ?
Comment ne pas chanter ?
Le phare de l’enfer. Chaque volute grimpe à l’assaut des étoiles, se contorsionne et projette des nuages incandescents qui retombent en pluie de feu, irisant la nuit de particules rougeoyantes. Chaque bras s’échappant du foyer vient se fondre dans la matrice infernale qui grossit et gagne en hauteur, atteignant des sommets démesurés. Les flammes tutoient le néant. Un grondement sourd manifeste la colère des cieux. Le brasier se nourrit des tonneaux de rhum entreposés dans la cave, se gorgeant des bouteilles d’alcool qui explosent sous l’action de la chaleur. Tout lui est bon pour s’enrichir et conforter sa violence. Le bois des charpentes, les meubles, les papiers et les draps l’alimentent sans faiblir. Il rue par saccades et croît dans une tornade de fumée noire zébrée d’éclairs carmin. Nuit d’apocalypse.