Roman
Le haras
Jean-Paul CroizéIl avait à peine sept ans, et rêvait devant ces chevaux dont la puissance le dépassait. Il admirait ces cavaliers capables de dompter des animaux aussi impressionnants. Et, sans s’en rendre compte, il était déjà amoureux, comme un gamin, de cette belle écuyère, la fille du maître des lieux, qui lui adressait de si gentils sourires. Elle avait quinze ans de plus que lui, il ne pouvait pas imaginer qu’elle lui ouvrirait plus tard les portes de ce haras, qui deviendrait peu à peu le cœur de sa vie. Il y trouverait le plus beau métier du monde. Et aussi un amour passionné, qu’il lui faudrait préserver en luttant contre une différence d’âge de plus en plus difficile à assumer au fil du temps.
Cela faisait deux jours qu’elle attendait au fond du pré. Malgré la bâche qui la recouvrait, l’odeur devenait difficilement supportable. L’envie m’en avait pris, mais je n’avais pas osé la soulever pour aller la regarder une dernière fois.
Cela m’avait suffi de l’avoir vue desséchée, maigre, si maigre, prostrée, ne tenant pratiquement plus debout, jusqu’à ce qu’elle se laisse tomber dans l’herbe, à bout de force. Nous nous en étions aperçus presque tout de suite.
J’avais couru la voir. J’avais vu la peur dans son regard. La détresse aussi. Elle ne parvenait pas à se relever. Elle n’en avait plus le courage.