Récit
Les joueurs du dimanche - Recueil sur le football
Julien Oheix« J’ai été footballeur. J’ai fait partie de cette famille de joueurs du dimanche, de passionnés, d’inconditionnels et de rêveurs. J’ai aimé cette vie parallèle. En plus d’images qui courent sous mes paupières, j’ai le sentiment d’avoir appartenu à un monde particulier, un monde connu et reconnu par tous. J’aurai pu organiser un jubilé, une journée symbolique entre copains afin de lui dire au revoir une bonne fois pour toutes. Mais j’ai eu envie de faire plus. Il fallait un adieu à la hauteur. Il m’était nécessaire de rendre au football une partie de ce qu’il m’avait offert toutes ces années ».
Le public avait rugi. Le tacle avait été violent. Il s’était jeté les deux pieds en avant et avait envoyé valser le pauvre attaquant dans le décor. Tout le monde s’interrogeait. Il lui avait probablement cassé la jambe. La victime avait la mâchoire plantée dans les panneaux publicitaires. Elle se tordait de douleur. Lui ne semblait pas s’émouvoir. Il crachait par terre et repoussait un à un tous les adversaires qui venaient à lui en leur envoyant des «Fuck Off» bien fleuris. Il en profitait même pour distribuer deux, trois baffes. Le public l’acclamait. Il faisait une grimace qui lui donnait des airs de tueur et se dressait face à l’arbitre en le défiant du regard. Il avait les pupilles dilatées et la mâchoire serrée. Il attendait son jugement sans peur. Il se foutait de la sentence. Il en avait connu d’autres. Il prit un rouge direct. Ce qui n’était pas complètement immérité.